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Ce texte est extrait du compte-rendu de la Troisième Journée Nationale sur le SYNDROME DE C.H.A.R.G.E. (POITIERS, 11 MAI 1999)

Orthophonie en centre spécialisé

Intervention de Franck BERTEAU, Orthophoniste - Larnay

samedi 11 mai 2013, par Franck BERTEAU

Je suis Orthophoniste au Centre d’Education Spécialisée pour sourds-aveugles (CESSA) de LARNAY [1], j’interviens également au Centre de Ressources (CRESAM) : nouvelle structure nationale et expérimentale, créée en Septembre 1998.

Les personnes suivies par le CRESAM sont réparties en 3 secteurs : enfants – adultes autonomes – adultes dépendants. Le secteur « enfants » où je travaille fait suite au SAFEP-SSEFIS (créé par le CESSA en 1991).

Il s’agit de dépister et de suivre les enfants atteints d’un double handicap sensoriel :

  • diagnostic – bilans (vision fonctionnelle, communication …)
  • guidance parentale et professionnelle (éducation précoce - projet pédagogique …)
  • suivi des situations (orientation ….)

Nous suivons actuellement une cinquantaine d’enfants, dont 10 sont diagnostiqués comme « syndrome de CHARGE » (8 ont entre 3 et 9 ans). Avec les 3 enfants du CESSA (entre 10 et 15 ans), cela constitue une population de référence sur le plan quantitatif et qualitatif.

La première caractéristique de cette population concerne bien sûr la présence d’une double atteinte sensorielle :

  • Troubles visuels : amblyopies de retentissement variable (colobome, microphtalmie…) : Cf. exposé Dr CHALLE

Cette population se démarque donc à la fois des sujets ne présentant qu’une seule atteinte (surdité par exemple), dont le profil est différent et des autres catégories de « sourds aveugles » congénitaux, généralement plus gravement handicapés.

Notre population présente souvent d’importants « restes » sensoriels, très investis au plan fonctionnel. Mais, même si les troubles auditifs et visuels (pris séparément) ne sont pas massifs, leur combinaison génère une problématique spécifique nécessitant une approche et une prise en charge adaptée.

Au-delà de l’hétérogénéité médicale des cas (inhérente au polymorphisme du syndrome), on peut aussi observer certaines régularités au niveau développemental et comportemental.

On peut signaler à ce titre les fréquentes difficultés relationnelles et communicationnelles et les troubles du comportement, qui sont évoqués ici lors d’une discussion avec le Dr Monique DUMOULIN : 10 enfants en Centre Spécialisé.

De par leurs capacités cognitives, ces enfants peuvent accéder à l’apprentissage du langage au niveau du code (dactylologie par exemple), tout en présentant des difficultés d’adaptation sur le plan de l’interaction sociale et de la communication dialogique [2]. Ils peuvent acquérir des moyens de communication, sans apprendre à les utiliser… d’où l’image d’ « enfant bulle ».

L’histoire de ces enfants explique pour une grande part l’origine de cette problématique : la nécessité d’une prise en charge très médicalisée dès la petite enfance perturbe considérablement l’instauration des échanges nécessaires au développement naturel de la communication préverbale.

En outre, la surdité est souvent diagnostiquée tardivement, d’où le retard - voire l’absence – d’éducation précoce. Ainsi, le CRESAM est souvent sollicité quand les enfants sont sortis des gros problèmes médicaux (à partir de 3 ou 4 ans…) et le passage de « l’enfant malade » à « l’enfant handicapé » pose le problème crucial de la prise en charge éducative : l’intégration en milieu préscolaire et/ou spécialisé est souvent très difficile du fait du multihandicap et des troubles du comportement.

Mais depuis quelques années, grâce à la recherche et à la pratique de quelques médecins (de l’hôpital NECKER notamment), la précocité du diagnostic permet une meilleure prise en charge à tous les niveaux : la globalité des problèmes des enfants CHARGE doit être traitée de façon parallèle et non successive (Cf. Leçons de prise en charge par le Dr ABADIE).

Tout enfant ou adulte, même très gravement handicapé, est vraisemblablement en mesure de prendre sa place dans des activités de dialogues non-verbaux qui constituent la matrice de toutes les acquisitions ultérieures.
Cette approche interactionniste met l’accent sur la construction de l’activité communicative pré-verbale dont les traits dominants sont : la primauté du dialogue /la centration sur l’enfant / la co-création / l’attention conjointe et l’imitation / le caractère musical et narratif des échanges / les processus de complexification… qui nécessiteraient un développement plus détaillé (voir J. SOURIAU « La surdi-cécité » in RONDAL – 2001).

En ce qui concerne l’approche pédagogique, lors de la première journée CHARGE de Juin 1996, nous avions plus particulièrement insisté sur l’apprentissage de la communication symbolique (Cf. « L’enfant Soleil » n°1)

Il s’agissait principalement de montrer la nécessité de l’acquisition de codes conventionnels et/ou de systèmes alternatifs de communication permettant de représenter le monde et de développer la pensée :

  • code conversationnel le plus souvent gestuel : approche mimique vers la Langue des Signes (LSF) ou le « français signé »…
  • code écrit le plus souvent pictographique : du dessin au mot en passant par le symbole…

Ces deux modalités sont intimement liées, avec la particularité fréquente d’une primauté de l’écrit : le pictogramme servant de base à la construction symbolique et langagière.

D’une manière générale, ce type d’approche est incontournable, mais la problématique de « l’enfant bulle » nous amène à prendre également en compte les aspects dialogiques de la communication dans le développement de ces sujets dont le comportement et l’évolution nous interpellent constamment.

P.-S.

Ce texte a été publié dans le numéro 3 du bulletin de l’association.

Notes

[1Centre d’Education Spécialisé pour Sourds-Aveugles (CESSA)
Larnay
86580 Biard
Tél. : 05 49 62 67 67
Contact par courriel

[2En forme de dialogue. Discussion dialogique ; écrits dialogiques ; genre, style dialogique.

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